Les prix de l’équipement médical et des médicaments étaient très élevés, et Yend était toujours fauché. C’est pour cela qu'il achetait son matériel au noir, dans les bas-fonds de Shinjuku, auprès d’un apothicaire de rue, nommé Kyo Andame (achat souvent fait à crédit, d'ailleurs). C’était un mec sûr, sympathique et joyeux, en qui Yend avait totalement confiance. Après avoir fait son shopping, « Lord » s’apprêta à retourner dans son cabinet et se reposer tranquillement devant la télé. Cependant, le destin en avait décidé autrement. Huit gros gaillards s’approchèrent de lui, avec un air menaçant.
– File nous la dope que t’as acheté à cet enfoiré de Kyo ! dit l’un d’eux.
Yend s’interrogea. Pourquoi vouloir chopper les médicaments sur un acheteur, et pas directement voler le vendeur ? Il leur posa la question.
– Bah, on a déjà essayé, mais Kyo nous a foutu une trempe, répliqua un autre voyou avec un air abruti.
Oui, en effet « Lord » se rappela que l’apothicaire savait très bien se battre (bien plus qu’un humain normal).
– La ferme ! grogna celui qui semblait être le chef de la bande. Cela ne le concerne pas. La seule chose qui doit intéresser le monsieur, c’est la manière de se sortir de ce pétrin. Y’a pas idée de nos jours de se balader la nuit dans de tels quartiers.
– Ecouter, les caïds, je suis vraiment épuisé, et pour une fois (je vous assure que c’est rare), je n’ai pas envie de me battre. Donc, nous n’avons plus qu’à nous dire au revoir.
– C’est quoi cette mauviette ? Tu te la joueras moins quand tu boufferas mon poing. Un beau gosse comme toi n’a pas envie de se faire massacrer. T’y tiens, à ta belle gueule ? Tu veux pas être réduit en poussière ? Alors, file-moi les médocs !
Bon, apparemment ces idiots n’avaient pas envie de comprendre. Ils allaient le payer, sans nul doute.
– Tu sais quoi, rétorqua Yend, si tu touches ne serait-ce qu’un seul de mes cheveux, non seulement je te donne tous mes médicaments, mais en plus je te fais un chèque de 100 000 Yens ! Parole !
Le gros voyou ne se fit pas prier. Avec un large sourire édenté, il brandit une batte de base-ball en direction de Yend. D’un doigt, ce dernier bloqua l’arme. Un deuxième bandit fonça sur « Lord », armé lui d’un pied-de-biche. Yend esquiva rapidement, et pressa un point nerveux, endormant ce faible adversaire. Il repoussa le chef, voulant s’occuper tout d’abord des sous-fifres. Dix secondes. Il n’en fallut pas plus à Yend pour les mettre tous hors d’état de nuire. Il ne restait plus que le chef.
– Comment tu t’appelles, mon gros ?
– Eh eh ! On m’appelle le Broyeur, ici. Ne crois pas que tu te débarrasseras de moi comme de mes hommes. Ce n’était que des amuse-gueule. Voyons ce que tu vaux vraiment.
Il attaqua, avec toute la violence que le voyou avait en lui. C’est vrai qu’il valait mieux que ses gorilles. Beaucoup de force et de haine dans ses coups. S’il s’entraînait plus, il aurait peut-être pu devenir un vrai adversaire pour « Lord ». Mais là, son problème était sa lenteur. Si jamais il était touché par un de ses coups, Yend aurait été sûrement assommé. Heureusement, ce ne fut pas le cas. Chaque attaque de son adversaire fut brillamment esquivée par Yend. Cependant, la brutalité du caïd empêchait « Lord » de placer une pression sur un de ses points nerveux. Il cogna partout, avec une violence prodigieuse. Il fallait trouver une solution. Dans le pire des cas, il n’avait qu’à attendre que le gros se fatigue. Mais deux choses le poussait à abréger le combat. Un : il était vraiment crevé, et voulait rentrer chez lui. Deux : attendre augmentait les risques de se prendre un coup, et ça Yend ne le voulait pas.
C’est alors que dans sa folie meurtrière, le gros bandit laissa entrevoir à Yend une faille dans sa défense. Il se précipita avec toute la rapidité et l’agilité qu’il avait pour placer une pression précise et radicale. Le gros se retrouva sans oxygène, le souffle coupé. Il aura l’impression de mourir, sans pouvoir jamais reprendre son souffle. En fait, ce qui allait se passer, c’est qu’effectivement, son souffle disparaîtra pendant une minute. Il tombera sûrement dans les vapes, mais ne mourra pas. Il se réveillera demain, avec un terrible mal de crâne.
Dans sa « bonté », Yend laissa près du corps de la brute sa carte avec l’adresse de son cabinet… Au cas où il aurait besoin d’un médecin pour soigner ses migraines.
Avec un petit sourire satisfait (en fait, ce combat intéressant l’avait un peu réveillé et remotivé), il retourna en sifflotant vers sa demeure.