Dao avait 12 ans depuis peu. Et elle vivait encore et toujours dans l’angoisse de son père adoptif, Akira Tashoba. Aussi loin qu’elle puisse remonter dans ses souvenirs, cet homme l’avait toujours frappé ou touché. Et comment une gamine banale pouvait rivaliser avec une brute qui faisait trois fois son poids ?
Akari, la femme d’Akira était pourtant gentille, elle. Elle se débrouillait toujours pour discrètement essayer de réconforter Dao après des moments difficiles passés avec Akira. Mais Akari aussi était enfermée dans la prison psychique imposée par son mari.
Pourtant, ce jour-là, tout changea.
Dao était parti faire la lessive dans le sous-sol de la maison Tashoba. Elle entendit des bruits de pas dans l’escalier. « Ses » pas, à lui ! Elle commençait à trembler de tous ses membres, à suer de grosses gouttes. Quel châtiment allait-elle subir, aujourd’hui ?
– Dao ? hurla Akira, sans doute saoul. Où es-tu, petite garce ?
Elle ne répondit pas, espérant follement qu’il partirait sans la remarquer. Pourtant, il la vit.
– Ah ! Tu es là ! Alors comme ça, tu ne réponds pas quand je t’appelle ? Je crois que je vais devoir te corriger.
Il retira son ceinturon de son pantalon, et frappa Dao à trois reprises consécutives. Elle ne cria pas. Elle savait qu’il adorait l’entendre hurler. Ca pouvait sembler n’être pas grand chose, mais pour elle c’était déjà une victoire.
– Hum ! Tu me résiste, petite garce ! Tes vêtements sont sales. Mets-les avec le reste de la lessive. Et nue, tu es si belle !
– Non !
– Obéis à ton père !
– Vous n’êtes pas mon père !
Ce qui se passa ensuite n’a pas besoin d’être raconté. Mais encore une fois, elle ne cria pas. Toutes les agressions de différentes sortes qu’elle subit cette après-midi ne suffirent pas à la faire hurler. Elle était devenue forte physiquement, bien que fragile intérieurement.
Quoi qu’il en soit, après ces agressions, il remonta les escaliers, et disparut de la vue de Dao. Elle était hagarde, allongée sur le sol froid. Elle entendit une conversation qui eut lieu là-haut.
– Mais qu’est-ce que tu as encore fait à cette pauvre gosse ? hurla Akari.
– La ferme ! Tu veux que je m’occupe de toi, aussi ?
– Je maudis le jour où je t’ai rencontré, Akira !
– Je vais t’enseigner le respect, tu vas voir ! Ah ! Toi aussi tu n’es qu’une garce. Vous êtes toutes des garces !
Et Dao entendit les coups et les insultes qui pleuvaient sans cesse.
Une étrange voix résonna dans sa tête. Ce n’était pas vraiment des mots, mais un mélange d’images et de sensations. Elle avait la puissance, le pouvoir de battre son père adoptif ! La voix la guidait.
Avec la démarche d’une zombie, elle remonta les escaliers, les bras pendants. Elle passa devant Akira et Akari sans prononcer un mot, et se dirigea dans le petit jardin privé, derrière la maison. Là, elle cria :
– Akira Tashoba, aujourd’hui est la dernière fois où tu me toucheras ! Maintenant, quitte cette maison, laisse Akari et moi vivre en paix. Alors, tu auras la vie sauve.
– Qu’est-ce que tu raconte, petite garce ? Je ne partirai pas de chez moi. Et maintenant, tu vas prendre une nouvelle raclée !
– J’espérais que tu dirais ça, murmura Dao.
Akira fonça vers le jardin d’un pas lourd. Il prit au passage un tisonnier, pour rééduquer Dao. Bien mal lui en prit.
A peine avait-il passé la porte qu’il s’arrêta. Quelque chose avait changé en Dao. Elle semblait être entourée d’une aura protectrice. Bizarrement, il commençait à prendre peur.
– Ô astre lunaire, fille oubliée de l’univers je t’invoque !
Akira ne comprenait plus rien. Quand il vit quelque chose de surprenant. Les yeux de Dao étaient devenus tout blanc.
– Entends cet appel qui vient de loin ! Impose ton courroux là où se trouve ma vengeance !
Il était 16h30. Pourtant, la nuit tomba d’un coup. Ca devenait trop inquiétant pour Akira. Il tourna les talons en vue de sortir du jardin. Mais la porte se referma d’elle-même, et était verrouillé. Aucune issue.
– Car quand sur ma haine s’abattra ta rage, alors la boucle sera bouclée devant l’éternel !
Des éclairs blancs commencèrent à pleuvoir du ciel, dans un boucan assourdissant. Puis, des rayons venants tout droit de la Lune s’abattirent un peu partout dans le jardin, frappa à maintes reprises Akira Tashoba. Il hurlait à la mort, pleurant toutes les larmes de son corps. Il commençait à brûler littéralement.
– Daaaaaaaaaaaaaaaaaaao ! Arrête ça ! Je m’excuse, je serais un bon père maintenant ! Arrête çaaaaaaaaaaaaaaa !
Mais Dao ne l’entendait presque plus. A peine un petit murmure. C’en était fini de lui, à présent.
Tout se calma, le ciel s’éclaircit. Dao Itaka tituba quelques instants, avant de tomber dans les vapes.
Elle se réveilla un beau matin. Akari était à son chevet.
– Tu es enfin réveillée, Dao ! Ca me fait plaisir.
– Com… combien de temps je suis restée évanouie ? Que s’est-il passé ?
– Tu es restée presque un mois dans ce coma. Le médecin venait tous les jours, disant que tu irais bien. Il avait raison, et j’en suis folle de joie. Tu ne te rappelles pas ce qui s’est passé avec Akira ?
Si, ça lui revenait maintenant. La Lune… C’est la Lune qui avait tué Akira, par sa voix à elle.
Dao dévisagea Akari comme si c’était une inconnue. Elle était vraiment belle, rayonnante même ! Dao n’avait jamais remarqué cette facette d’Akari. La mort de son mari avait du la sauver. Elle se dit en elle-même qu’encore quelques années avec son affreux mari et il aurait été trop tard pour qu’elle redevienne ce qu’elle avait du être à une époque.
– Merci de vous être occupée de moi, Akari. Cependant, je ne peux pas rester ici, j’en suis désolée. Je vais continuer mes études ailleurs. Je pensais à Tokyo… Je suis…
– Ne t’inquiètes pas ! Je comprends parfaitement, et je suis heureuse de savoir que tu iras refaire ta vie. J’espère que j’aurais des nouvelles de toi.
– Soyez-en sûre !
Un mois plus tard, Dao partit pour Tokyo, avec pas mal d’argent offert par Akari (elle avait d’abord refusé, mais sa mère adoptive avait insisté. Et soyons honnête, cela arrangeait bien Dao d’avoir quelques réserves). C’était pour elle la fin du calvaire, même si elle en avait conscience, les cicatrices resteront gravées dans son âme à jamais.